From 807d2ea6b71ef08108437d934e99a6a99a6fe67b Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: BartM82 <105561997+BartM82@users.noreply.github.com> Date: Sat, 7 Dec 2024 16:04:26 +0100 Subject: [PATCH] Create Foerster.md --- content/articles/Foerster/Foerster.md | 38 +++++++++++++++++++++++++++ 1 file changed, 38 insertions(+) create mode 100644 content/articles/Foerster/Foerster.md diff --git a/content/articles/Foerster/Foerster.md b/content/articles/Foerster/Foerster.md new file mode 100644 index 0000000..4ffcba3 --- /dev/null +++ b/content/articles/Foerster/Foerster.md @@ -0,0 +1,38 @@ +--- +title: Réseaux sociaux ou l'illusion du contrôle +date: 2024-12-07 +author: Bertrand Boyer +tags: [LMI,desinformation,DISARM,MITRE] +--- +Lorsqu'on s'intéresse à l'influence et aux dynamiques sociale, on tombe tôt ou tard sur la conjecture de Foerster ou sur les notions dérivées qui sont regroupées dans les concepts de ["seconde cybernétique"](https://www.intelligence-complexite.org/bibliotheque/note-de-lecture/seconde-cybernetique-et-complexite) et les approches de systèmes complexes. C'est ce qui m'est arrivé en écoutant l'épisode de [Signal sur bruit](https://podcasts.apple.com/gb/podcast/le-capitalisme-de-la-confiance-une-conversation-avec/id1530439567?i=1000679181384) qui explore avec Victor Chomel le capitalisme de la confiance. + +## Retour vers la conjecture + +Pour résumer la conjecture de Foerster appliquée aux réseaux sociaux, on peut shématiquement dire que : +* Plus les connexions entre les utilisateurs d'un réseau social sont fortes et "rigides", moins les individus ont d'influence sur le comportement global du réseau. +* Plus ces connexions sont étroites, plus le comportement collectif du réseau devient imprévisible pour ses utilisateurs individuels. +* Cependant, pour un observateur externe (comme les plateformes elles-mêmes), le comportement global du réseau devient plus prévisible à mesure que les connexions se renforcent. +Voir [la conjecture de Foerster](https://fr.wikipedia.org/wiki/Conjecture_de_von_Foerster) + +Une illustration de ce phénomène s'incarne dans le problème de l'urne de Polya. Cette experience illustre les relations "triviales" ou "rigides". +Le dispositif est très simple. Dans une urne sont placées une boule bleue et une boule blanche. L'expérience consiste à tirer au hasard une boule dans l'urne puis à la remettre accompagnée d'une boule de la même couleur. En répétant l'opération, l'urne se remplit peu à peu de boules blanches et bleues. Si ce tirage est +répété un grand nombre de fois la composition de l'urne tend vers une valeur. On démontre assez facilement que le nombre de boules d'une couleur suit une loi uniforme ainsi, après le n ième tirage, toutes les [configurations sont équiprobables](https://www.apmep.fr/IMG/pdf/LES_URNES_DE_POLYA_6.pdf). +C'est ce qu'on appelle la "dépendance au chemin" engendrée par des "rétroactions positives". Mais ni Foerster ni Polya ne connaissaent Facebook, X, Amazon ou Netflix. Dans le contexte de la numérisation des liens, les algorithmes de suggestion sont des amplificateurs de rétroactions posiitves. + +## La conjecture appliquée au réseaux sociaux ? + +Dans le contexte des réseaux sociaux, cette conjecture de Foerster se manifeste de plusieurs façons : +* Les mécanismes de recommandation et de classement sur les plateformes sociales créent des liens "rigides" entre les utilisateurs, influençant fortement leurs actions et leurs choix. Voir [La société recommandée de David Chavalarias] (https://hal.science/hal-00632280/document). L'influence individuelle est réduite : Plus les connexions entre les utilisateurs d'un réseau social sont fortes et "rigides", moins les individus ont d'influence sur le comportement global du réseau. Cela signifie que malgré l'apparente liberté offerte par les plateformes, les utilisateurs individuels ont en réalité un contrôle limité sur les dynamiques collectives. Bref, nous ne sommes pas des "influenceurs". +* L'influence sociale accrue sur ces plateformes rend les dynamiques collectives plus massives et accentuées, mais aussi plus imprévisibles pour les utilisateurs individuels. Cette imprévisibilité pour les utilisateurs est assez paradoxale car en effet plus les connexions sont étroites, plus le comportement collectif du réseau devient imprévisible pour ses utilisateurs individuels. Les dynamiques sociales massives qui émergent sur ces plateformes peuvent être difficiles à anticiper ou à comprendre pour les participants. Bref, on ne comprend rien. +* En revance, les plateformes elles-mêmes, en tant qu'observateurs externes, peuvent mieux prédire et anticiper le comportement global des utilisateurs grâce à ces connexions renforcées. Alors ça c'est une surprise ! Pour les entités capables d'observer l'ensemble du réseau (comme les plateformes elles-mêmes), le comportement global devient plus prévisible à mesure que les connexions se renforcent. Cela donne aux gestionnaires de ces plateformes un avantage significatif en termes de prédiction et d'anticipation des comportements collectifs. + +Les résultats expérimentaux de l'application de cette conjecture soulignent ainsi le paradoxe des réseaux sociaux : alors qu'ils semblent offrir plus de liberté, de connexions, et de contrôle, ils peuvent en réalité renforcer des dynamiques collectives échappant au contrôle des individus, tout en les rendant plus prévisibles pour les gestionnaires de ces plateformes. + +## Recommandation et influence : On fait quoi ? +Les systèmes de recommandation et de classement des réseaux sociaux créent des liens "rigides" entre les utilisateurs, on vient de voir que ces liens influençent fortement leurs actions et leurs choix. Ces mécanismes amplifient l'effet de la conjecture en renforçant les connexions entre les utilisateurs. Il devient alors important de comprendre les algorithmes de recommandation voir de les contrôler lorsque c'est possible. Le véritable problème réside dans la capacité de manipulation sous jacente. En effet, la prévisibilité accrue du comportement collectif pour les observateurs externes ouvre la porte à des possibilités de manipulation d'opinion, à défaut de prédiction. L'exemple récent des élections présidentielles en Roumanie en est une illustration frappante. + +Un dernier phénomène me semble intéressant à étudier. C'est le phénomène de "déconnexion" car comme disait Gustave Le Bon, " la situation de foule développe un état psychologique propre " ainsi, avec des relations triviales au sein d'un groupe en ligne, ne peut-on observer des comportements proches de ceux d'une foule et ainsi un état psychologique individuel approchant? Plus les connexions sont "triviales" ou rigides, plus les utilisateurs peuvent se sentir "aliénés" ou déconnectés du contrôle sur le système global. Cela peut conduire à un sentiment d'impuissance face aux dynamiques collectives qui émergent sur ces plateformes, mais également un faux sentiment de contrôle et une forme d'impunité. + + + +