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Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps 2022 de Politique étrangère (n° 1/2022). Bertrand Boyer propose une analyse de louvrage de John Arquilla, Bitskrieg: The New Challenge of Cyberwarfare (Polity Press, 2021, 240 pages).
Plus de trente ans après son article «Cyberwar is coming», coécrit avec David Ronfeldt, John Arquilla prolonge son étude de la conflictualité à lère numérique en appelant à un véritable changement dapproche. Soulignant les limites de la conception dune défense statique de type «ligne Maginot», il poursuit la métaphore historique en posant le concept de «bitskrieg». John Arquilla est un auteur reconnu sur les questions de cyberdéfense et sa proximité avec les sphères du pouvoir aux États-Unis depuis plus de trente ans en fait un témoin précieux pour appréhender les approches stratégiques développées outre-Atlantique.
Il propose ici un travail qui oscille entre ses premiers constats des années 1990 et la situation actuelle. Lauteur porte un regard parfois critique sur ses propres approches et les conseils quil a pu donner au plus haut niveau de lappareil sécuritaire américain, depuis la première guerre du Golfe en 1991. Prenant en compte les dangers et opportunités de la révolution de linformation, Bitskrieg cherche à dépasser la notion de «cyberguerre». Véritable fil rouge de louvrage, cet aspect est illustré par des retours dexpérience et exemples qui ont ponctué les dernières décennies.
Constatant la lente émergence dune «cyberguerre» destructrice et mortifère, lauteur présente au long des cinq chapitres les récentes évolutions en matière de conflictualité et souligne en particulier larrivée de ce quil appelle la «Cool War». Sil a fallu 138 années entre lapparition du premier sous-marin et son intégration complète dans la palette stratégique, la «Cool War» sest imposée en moins de dix ans. Cette forme daffrontement fait aussi bien la part belle aux attaques informatiques conduites par des cybercriminels qui font peser un risque croissant sur les économies connectées, quau vol de données à caractère personnel, comme celui ayant touché le personnel de ladministration fédérale en 2015. Cette guerre «cool», dont les principaux acteurs ne sont pas nécessairement en uniforme, illustre la lenteur avec laquelle la cyberguerre se matérialise. En effet, alors même que la crainte dun «cyber Pearl Harbour» est communément évoquée depuis de nombreuses années, lauteur sinterroge sur la faible incarnation dans les opérations militaires des actions cyber offensives. Son expérience personnelle lui permet de mettre en lumière les difficultés dintégration de ces actions par lappareil militaire, par nature conservateur.
Même si la bataille numérique semble présenter un nouveau visage, lauteur sattache à démontrer que la cyberguerre nest en fait quun sous-domaine de la guerre de linformation et de la guerre en réseau. Cet aspect est selon lui toujours mal appréhendé par les appareils politiques et militaires. Enfin, lauteur consacre un chapitre à la question du contrôle des armes dans le cyberespace et à la difficulté de mettre en œuvre un mécanisme reposant sur autre chose quune politique déclaratoire.
John Arquilla appelle ainsi à repenser la cybersécurité à laune des évolutions techniques et stratégiques. Il présente les nombreux défis quimplique une nouvelle approche de la cyberdéfense, plus dynamique et reposant davantage sur la traque de ladversaire. Très accessible, Bitskrieg synthétise sans concession deux décennies dapproches conceptuelles de la cyberguerre et alimente la réflexion sur lurgence de la prise en compte du fait numérique pour prévenir le prochain choc.