7.2 KiB
| title | date | author | tags | |||||
|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
| Que faut-il retenir de la nouvelle doctrine de l’US Army sur l’information ? | 2023-12-05 | Bertrand Boyer |
|
Pour le lecteur préssé
-
Multidomaines: L’Armée de terre américaine a publié le 27 novembre dernier son tout premier document de doctrine sur “l’information”. Sans grande surprise, l’ADP 3–13, met l’accent sur l’importance de l’information dans les opérations multidomaines (MDO).
-
Renseigner, commander, influer : L’information est présentée comme fondamentale pour le renseignement, le commandement et le contrôle, influençant à la fois la stratégie et la réalisation des objectifs militaires. Si on avait pu croiser la notion d’avantage informationnel (comme on parle d’avantage terrestre ou maritime) il me semble que c’est la première fois que cette notion est définie. Il s’agit pour une force de saisir et conserver l’initiative dans la compréhension, la prise de décision et l’influence sur le comportement des acteurs en conflit.
-
Formation : La doctrine souligne en outre l’aspect global et la responsabilité individuelle de tout le personnel pour atteindre cet “avantage informationnel”. Cette “approche globale” s’accompagne d’une vaste prise de conscience et de la mise en place de formations dédiées pour que cette prise en compte du facteur informationnel soit “native” pour chaque soldat.
Articulé en 8 chapitres le document pose les bases théoriques d’une approche globale de l’information dans le domaine militaire.
Définitions :
Le chapitre 1 couvre les définitions et les généralités sur la nature de l’information pour les forces armées. De la donnée à la connaissance, chaque étape du traitement impose aux armées de repenser tant leur organisations que leurs outils. L’exemple de la reconnaissance blindée de la 2d Brigade de la 3 Division d’ Infanterie mécanisée à Bagdad le 5 avril 2003 est ainsi utilisé pour illustrer comment on passe d’une “bataille pour l’information” (il s’agissait de recueillir du renseignement sur l’ennemi) à une “bataille “avec” (with) information” puisque ce raid blindé a ouvert la porte à une opération plus large le 7 avril suivie en temps réel par la presse et accompagnée par une campagne d’influence (information operation) pour contrer le narratif irakien qui niait la présence des forces de la coalition. Ainsi, le document place la bataille des narratifs au cœur de l’action des unités de l’armée de terre, il ne s’agit plus simplement de “prendre et tenir” une portion de terrain, il s’agit de le faire savoir à l’adversaire.
Dans le chapitre 2, sont présentés les fondamentaux de “l’information advantage” et comment ils s’intègrent dans le concept d’opérations multidomaines (MDO).
Le corps du document dans les chapitres suivants développe chaque activité “Enable”, “Protect”, “Inform”, “Influence”, “attack”. Le chapitre sur la protection est ainsi l’occasion de revenir sur la question de l’usage des objets connectés (personnels).
Personal electronic devices pose a significant operations security risk to friendly forces. Even the seemingly benign use of online fitness tracking devices and services has developed into a significant information risk for U.S. personnel. For example, in 2018, an international fitness tracking company published an online interactive map displaying the aggregate running and cycling routes of millions of personal fitness device users from around the world. Among the users were thousands of personnel deployed to forward operating bases (FOBs) in Iraq, Syria, and Afghanistan.
Le chapitre “Inform” pour sa part distingue clairement les actions de communication internes (internal audiences), des actions vers les audiences domestiques (US) et vers l’international. Un éclairage sur la lutte contre la manipulation de l’information nous informe ainsi que chaque soldat est autorisé à corriger des fausses informations sur l’armée de terre US. C’est un moyen de mobiliser une “communauté” favorable pour rétablir des narratifs.
All Soldiers and leaders are authorized to correct misinformation about which they have personnel knowledge if the information is unclassified and releasable.
Le chapitre sur l’influence nous éclaire pour sa part sur la perception américaine de ce domaine et la ligne de séparation avec le chapitre précédent “inform”. Ainsi l’influence est-elle directement liée à la volonté d’agir sur une “menace” identifiée ou sur “other foreign audiences” qui regroupent par exemple les forces partenaires.
A force that uses information to deceive and confuse an opponent has an advantage. Using information to influence relevant actor behavior more effectively than an adversary or enemy is another information advantage.
Puis, dans le chapitre “Attack” sont développés les méthodes à mettre en œuvre et qui contribuent là encore à l’atteinte de la “domination informationnelle”. La destruction physique des supports à l’information sont ainsi clairement mis en avant. Les centres de commandement, les capteurs, système d’acquisition, etc…
Threat C2 nodes (command post [CP], signal centers, networks, and information systems); ISR sensors and systems; and fire control and target acquisition radars and systems are often high-payoff targets for Army forces. As part of the concept of operations and scheme of fires, Army forces attack these targets through a combination of methods: physical destruction, electromagnetic attack (EA), cyberspace attack, and offensive space operations.
On retrouve ici également les autres capacités d’agression “classiques” à intégrer pour l’armée de terre, le cyber, les spaces operations, la guerre électronique.
L'intégration des effets
Enfin, le dernier chapitre couvre le volet le plus discuté probablement dans les états-majors puisqu’il s’agit de l’intégration et comment les activités de l’armée de terre contribuent à la manœuvre interarmées (joint). Un tableau synthétise d’ailleurs les relations entre “army” et “joint”.
Pour couper court au modèle d’organisation des PC et aux discussions sur le “C2” , le document présente une répartition fonctionnelle des “actions sur l’information” et une synchronisation par le chef d’état-major (CEM). Ce dernier est ainsi en charge du processus d’intégration qui regroupe en particulier : G-2, G-3, chiefs of fires, chief of protection, and KMO.
Conclusion (rapide, partielle et partiale):
Un document simple dans sa conception et son approche qui, à l’image de nombreuses publications US, n’est pas verbeux et va relativement droit au but. Il permet de placer “l’information” non à part mais bien comme un aspect central de l’environnement opérationnel. Sans révolutionner les concepts, ce document permet de rationaliser les approches et de faciliter l’intégration de cette dimension essentielle dans les combats modernes et à venir.



